
Combattre le regard des autres
Je me présente je m’appelle Guillaume, j’ai 19 ans et je suis actuellement en première année de licence d’histoire à Toulouse.
Je ne suis pas bègue de naissance, car je parlais très bien petit, mais vers l’âge de 4-5 ans cela a commencé. Donc je me suis toujours connu comme ça. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de comment je le vivais petit, même pas du tout.
Je vais commencer par vous parler du primaire, les moqueries étaient déjà présentes, de la part des autres élèves et même d’un professeur, il était remplaçant le temps d’une journée. Pour lire un texte, il m’interroge, je commence donc la lecture. Il m’arrête, « bon on va passer à quelqu’un d’autre il met trop de temps ». Comment vous décrire mon état émotionnel ce jour-là, je ne pourrai pas.
Abordons le collège et le lycée en même temps, comment vous dire, c’est la même souffrance, moqueries également, mais je grandis donc je commence à ne plus me soucier de ce genre de remarques.
Je suis actuellement à la fac, et évidemment Covid oblige je suis en distanciel, donc je ne subis aucune remarque, parler en visio ne me dérange pas, car aujourd’hui je m’en fiche complètement et j’en fais une force. Concernant les examens, brevet ou bac, j’avais un tiers-temps à l’oral avec un Programme d’accompagnement personnalisé (PAP), pour me laisser plus de temps.
Parlons maintenant de la vie quotidienne, si aujourd’hui je l’assume, autrefois c’était différent. Parler au téléphone, demander un renseignement dans une boutique, commander au restaurant, tout simplement demander une information ou commander quelque chose m’était quasi impossible. Je n’osais jamais. Je remercie d’ailleurs ma sœur qui l’a souvent fait à ma place. Toujours cette peur qu’on me rigole au nez, qu’on me prenne pour quelqu’un qui ne sache pas parler, qu’on ne me prenne pas au sérieux ou qu’on croit à une blague. En bref, parler m’était toujours signe de stress et d’angoisse, c’est peut-être pour ça qu’aujourd’hui je suis bavard. Qui sait?
Dans ma vie étudiante, j’ai rencontré du monde, je n’ai jamais eu à ce jour de remarques déplacées sur mon bégaiement. Seulement des questions auxquelles je réponds avec plaisir si cela peut les aider. J’ai aussi eu « ah, mais tu bégayes? » alors que ça faisait deux ou trois semaines qu’on se croisait. Ce qui me fait dire qu’aujourd’hui j’arrive à beaucoup moins bégayer.
Concernant mon parcours avec les orthophonistes, j’en ai vu deux, en CP et en CM2-6e donc 6-7 ans et 10-11 ans. Après avoir vu la première, j’ai préféré travailler seul, ce qui m’a aidé pour apprendre mes propres techniques/méthodes. Puis j’ai voulu en voir une seconde par la suite, qui m’a aidé et appris à mieux respirer et d’autres méthodes, et a permis de dresser le bilan pour mon PAP. Depuis je travaille seul, ce n’est pas peut-être pas la meilleure méthode, mais personnellement c’est ce que je préfère.
En tout cas, je suis très fier du travail que j’ai pu accomplir, car je sais que beaucoup de personnes bègues n’ont pas réussi à combattre le regard des autres. J’ai d’ailleurs créé un compte Instagram à propos du bégaiement (@jai.un.begaiement) afin de pouvoir aider les personnes qui bégaient ainsi que leurs proches, mais aussi faire connaître ce trouble qui, encore aujourd’hui, est un sujet tabou.
Merci d’avoir pris le temps de lire,
Guillaume Molle
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